Un écosystème sous pression : une nouvelle donne pour les levées de fonds ?

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Frilosité des investisseurs, incertitudes macro-économiques, exigences RSE… Comment convaincre pour mieux se financer et continuer à croître ? 

Le 13 Octobre 2022 avait lieu la 2e édition des Ateliers du Galion au Palais de Tokyo. Si vous n’étiez pas là, on vous résume les grands temps forts.

Speakers :

  • Willy Braun – fondateur de Galion.Exe
  • Arbia Smiti – fondatrice de Rosaly
  • Eva Sadoun – fondatrice de Lita.co
  • Fred Plais – fondateur de Platform.sh
  • Florent Guillermain – Société Générale Corporate and Investment Banking

Problématiques 

  • Après une année 2021 exceptionnelle, et dans le climat d’incertitude actuel, comment aborder sa levée de fonds en 2022-2023 ?
  • Quels sont les « canons de beauté » des nouvelles conditions de marché ?

Enjeu 

  • Comprendre les nouvelles règles du jeu pour convaincre les investisseurs, et réconcilier les attentes des investisseurs et des entrepreneurs.

Constat d’évolution de marché

  • Les montants investis en capital risk ont chuté entre 2021 et 2022 (-50 % des montants levés, -30 % d’opérations et une augmentation du ticket moyen aux Etats-Unis en Q3) ;
  • L’année 2021, exceptionnelle à tous les niveaux, crée un effet de base qui perturbe un peu la lecture ;
  • Pour autant, aujourd’hui, l’argent est là : sur les 9 premiers mois de l’année, 150 milliards de dollars ont été levés par les fonds aux Etats-Unis, soit plus que sur toute l’année 2021 ;
  • La capacité d’investissement des fonds a été multipliée par dix en dix ans ;
  • Les risques économiques sont néanmoins difficiles à anticiper pour les investisseurs à ce stade.

Points d’attention ou dont’s

  • Quand le climat se tend sur les marchés financiers, les investisseurs américains rentrent chez eux et réinvestissent sur leur territoire ;
  • Face à la difficulté de modéliser les risques inflationnistes sur les start-up, les investisseurs s’orientent vers les modèles les plus déconnectés de la rationalité économique du quotidien ;
  • Les modèles BtoC sont moins plébiscités que les modèles BtoB, d’autant que l’on ignore encore comment l’inflation va impacter la demande ;
  • Aux Etats-Unis, l’impact n’est pas encore un critère d’investissement. En Europe, la demande est croissante pour ce type de fonds (notamment caisses de retraite et fonds de pension), mais les investisseurs continuent d’exiger avant tout de la croissance et de la rentabilité.
  • La révision des valorisations créé des situations difficiles à gérer : dilution, beaucoup de protections (ratchet, liquid pref participating ou >1) qui sautent ou de stock options qui n’ont plus de valeur et entraînent des problématiques de fidélisation des talents, etc.

Key learnings ou do’s

  • Il faut oublier la période 2020-2021, faire le deuil des fortes valorisations de 2021 et revenir plutôt aux niveaux « normaux » (2019) ;
  • Même s’ils ne le disent pas, les fonds se fixent un nombre de dossiers à financer chaque mois ;
  • Les conditions du modèle de financement changent : il faut donc adapter son modèle de développement ;
  • Les investisseurs aiment les modèles prévisibles (peu de coûts, peu de CAPEX, peu de churn, beaucoup de prévisibilité sur les revenus) ;
  • Plutôt que la croissance pure, les investisseurs s’intéressent aujourd’hui à l’efficience de la croissance : il faut donc leur apporter de vrais signes de rentabilité ;
  • Les roadshows en moyenne durent plus longtemps, avec plus d’instructions (notamment sur cash/croissance/unit economics) ;
  • Dans cette période de transition entre hyper croissance, rentabilité et impact, il faut recréer le dialogue avec les investisseurs pour comprendre leurs attentes ;
  • L’entrepreneur doit être très agile, savoir s’adapter le plus rapidement possible aux évolutions des conditions de marché qu’il ne contrôle pas en agissant sur les éléments qu’il maîtrise, c’est-à-dire le pilotage de son entreprise ;
  • Adaptabilité, agilité, innovation et ambition sont les éléments clés pour une levée de fonds aujourd’hui.
  • Il existe d’autres instruments de financement que l’equity, avec en France notamment dette (BFR/postes clients/immo), venture debt, RBF, financement de décarbonation, PPR (qui prend le relais des PGE) 

Eva SADOUN : « Il faut prendre un peu de recul par rapport à la « grande fiesta » de 2021 : l’hyper croissance pour unique critère d’évaluation, 2 % des fonds levés par des équipes purement féminines, 15 % par des équipes mixtes, 30 % des budgets de levées de fonds investis en software sur des entreprises américaines et 40 % sur les GAFA. Ce n’était pas la fête pour tout le monde. »

Arbia SMITI : « Je suis passée par deux phases pour ma levée de fonds. Lors de la 1ère phase, j’étais très optimiste, comme tous les entrepreneurs qui voient que l’argent est là en quantité. J’avais un beau dossier, des KPIs, une belle équipe et je n’ai pas compris les raisons du refus. Mon dossier était bon, mais d’autres étaient meilleurs. Dans la 2ème phase, j’ai revu toute ma stratégie, mon pitch, ma valorisation et je suis allée chercher des investisseurs totalement différents (américains), qui connaissaient ce marché inédit en Europe, même s’ils semblaient a priori les plus difficiles à convaincre, car étrangers au marché français. Finalement, j’ai réussi à lever au pire moment. » 

Fred PLAIS : « La levée de fonds a démarré en Septembre-Octobre 2021, avec un 1er closing avec deux investisseurs européens pendant la période faste, en mars 2022, et un 2nd tour avec un investisseur américain en mai, après la chute du Nasdaq. Nous avons closé la pire semaine avec Morgan Stanley. Nous pensions qu’ils trouveraient une excuse quelconque pour ne pas faire le deal. Ils ont finalement signé parce qu’ils investissent sur le long terme. »

Eva SADOUN : « L’entrepreneur n’est pas qu’une machine à cash. On ne crée pas des entreprises pour les fonds d’investissement, mais pour changer le monde. Montez des entreprises résilientes, qui vont servir dans le monde de demain. Les investisseurs s’adapteront. » 


Florent GUILLERMAIN : « Votre ambition en tant qu’entrepreneur n’est pas liée au montant que vous levez, mais à votre projet. »