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Les valeurs : bullshit ou levier ?

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Les valeurs sont partout. Imprimées sur la brochure institutionnelle, martelées lors du séminaire annuel, placardées dans les open-spaces, elles font partie du kit de base de l’identité corporate d’une société. Un incontournable donc…voire une tarte à la crème ! Parfois vidées de leur sens, elles soulignent alors cruellement le gap entre le discours de l’entreprise et la réalité vécue par les collaborateurs. Alors, les valeurs : bullshit ou levier pour l’entreprise ? 

Des valeurs orientées business

Les valeurs constituent une partie essentielle de la culture corporate, cet ensemble de règles de fonctionnement, de codes et de rites formels et informels qui font l’identité singulière d’une entreprise. Par « valeurs » dans la sphère professionnelle, on entend le principe qui prévaut et guide l’action dans l’entreprise : une référence donc, ou un idéal à atteindre dans le cas des valeurs aspirationnelles.  Il ne s’agit donc pas ici de valeurs morales, qui sont personnelles, mais de valeurs « business oriented » traduisant les moteurs de l’entreprise. 

D’abord définies pour répondre à des objectifs internes, elles indiquent aussi comment l’entreprise entend se distinguer par rapport à son écosystème dans la façon d’opérer et de réaliser sa mission. En cela, elles forgent une identité cohérente, qui fonctionne autant en interne auprès de ses employés qu’en externe auprès de ses clients, ses partenaires ou ses concurrents. 
L’enjeu est de forger une culture d’entreprise unique, et par là-même puissante et attractive, notamment en termes de marque-employeur. À ce titre, elles participent à la création de valeur de l’entreprise, analyse Geoffroy Guigou (Younited) : « je suis convaincu qu’il ne peut pas y avoir d’énorme succès business sans énorme succès humain. »

Donner le mindset

En plus de condenser l’identité de l’entreprise, les valeurs jouent un rôle essentiel : garantir l’alignement des décisions et des actions, que ce soit en termes de recrutement, de management, de prise de décision et de comportement. Jonathan Azoulay (Talent.io) le résume ainsi : « les valeurs permettent de savoir si ce que l’on fait est bien ou non, de définir une façon de fonctionner, de fixer les règles dans l’entreprise. Cela donne une base de référence aux gens ». Il ne s’agit pas de rendre plus glamour le règlement intérieur : on ne parle pas là de règles restrictives et formelles, mais de mieux fonctionner ensemble. Les valeurs donnent du fond, quand le règlement ne traitait que la forme… 
Frédéric Mazzella, (BlaBlaCar et Captain Cause) précurseur en la matière, compare les valeurs à un tuteur qui aide l’entreprise à grandir : dans une société en forte croissance, dont les dirigeants sont de moins en moins accessibles, elles rendent les collaborateurs autonomes en leur donnant le « mindset », la grille de lecture. Un must-have quand le télétravail devient la norme… En un sens, les valeurs remplacent les process, qui n’ont plus lieu d’être puisque chaque collaborateur, quelle que soit sa fonction ou son implantation géographique, peut déduire la décision à prendre à partir des valeurs de l’entreprise.

Recruter sur les valeurs

Lors du recrutement, elles constituent un filtre et permettent de s’assurer que le candidat est compatible avec la culture de l’entreprise. Hélène Mérillon (Youboox) a fait de ses 3 valeurs (engagement, créativité, fun) le fil conducteur de ses entretiens de recrutement. Elle peut ainsi juger, en 10mn au téléphone, si le candidat a un « cultural fit » avec l’entreprise. La méthode est rentable : Geoffroy explique que, depuis qu’il l’applique, le nombre d’erreurs de recrutement chez Younited a diminué de façon notable. 

Inversement, les valeurs peuvent faire la différence auprès d’un candidat très convoité. Ou comment convaincre et séduire par ses valeurs… Simon Sinek le rappelle, dans « Start with why : how great leaders inspire everyone to take action » : « les gens n’achètent pas votre « quoi », ils achètent votre « pourquoi ».  Nous sommes attirés par les leaders qui savent communiquer sur ce en quoi ils croient. (…) C’est cela qui est inspirant. » 

Les valeurs constituent également un levier de fidélisation intéressant : si on choisit une entreprise pour un job, on y reste souvent pour sa culture… « Les gens sont attachés à la stratégie, à la vision, aux valeurs, ils veulent comprendre et participer au process décisionnel de l’entreprise, » souligne Sébastien Béquart (Gymlib). Dans un monde professionnel souvent décrié pour sa perte de sens, les valeurs, en favorisant l’autonomisation et l’impact du travail, sont de vrais facteurs de différenciation.  
Effet collatéral : les valeurs peuvent révéler l’incompatibilité de salariés avec l’entreprise.  Une fois le process de définition des valeurs terminé chez Younited, Geoffroy a réalisé que le départ de certains collaborateurs trouvait en fait son explication dans le « misfit » avec les valeurs. Si celles-ci avaient été formalisées plus tôt, ils n’auraient probablement pas été recrutés… À l’inverse, une personne qui a un problème de compétences, mais aussi un vrai fit culturel avec l’entreprise, restera quelqu’un en qui il est utile d’investir en formation et coaching (voir sur le sujet l’article Firing). Au final, la compatibilité d’un collaborateur ou d’une collaboratrice avec les valeurs de l’entreprise est un test redoutablement efficace : il n’y a pas de place pour le doute ni pour la demi-mesure.

Un puissant levier de management

Au-delà même du recrutement, les valeurs servent tout au long du process RH

Elles sont au cœur de l’on-boarding, que ce soit à travers un entretien des fondateurs avec le nouveau collaborateur, ou par un mail sur les valeurs que celui-ci trouve en ouvrant sa boîte mail…  

Ce sont des outils de management efficaces : en formalisant ce que l’on attend d’eux, elles servent de référence pour recadrer les collaborateurs, que ce soit sur des points formels (ponctualité, etc), sur le comportement, mais aussi lors des entretiens d’évaluation.  

Elles permettent de fluidifier l’information dans une organisation en croissance.  Pour concrétiser la valeur « esprit d’équipe », Alix de Sagazan (AB Tasty) a mis en place des « hi-five » hebdomadaires où chaque équipe dit en 2mn ce qu’elle a fait la semaine précédente. Un moment de partage qui fait qu’ainsi, « personne ne peut dire qu’il ne savait pas » commente Alix. 
C’est aussi un puissant facteur de motivation et d’engagement. Pour Jonathan, l’autonomisation, traduite par une valeur intitulée « ownership » chez Talent.io, a révolutionné l’entreprise en donnant aux collaborateurs une boussole pour guider et encourager la prise de risques et l’initiative.

Incarner les valeurs

Toutes les entreprises ont des valeurs. Toutes affichent leur volonté d’être « innovante » ou « bienveillante », d’encourager « l’esprit d’équipe » et la « créativité ». Alors qu’est-ce qui fait que ça « prend » ou pas ? Que des valeurs deviennent une réalité ou qu’elles deviennent… du bullshit ?!

Le mot clé : l’incarnation. Il s’agit de démontrer que la valeur est une réalité de terrain et non un outil marketing. « La vraie différenciation, c’est comment on l’actionne » estime Jean-Charles Samuelian (Alan), « il faut être précis. » La valeur doit donc descendre de son piédestal théorique pour devenir une réalité sur le terrain. Dans le cas contraire, elle sera perçue ironiquement par les salariés comme un discours vide de sens, qui souligne le désalignement du management entre les paroles et les actes… Gros effet boomerang à la clé !

Frédéric Mazzella a associé aux 10 valeurs définies avec ses équipes de BlaBlaCar des process précis, qui répondent à de nombreuses problématiques de l’entreprise. Chacune trouve ainsi son champ d’application et sa propre manière d’exister. « Think it/build it/use it » concerne l’expérience utilisateur ; « Never assume, always check » rappelle que les décisions doivent être basées sur des faits vérifiés ; « Vanity/Sanity/Reality » questionne le choix de la data pertinente… 

Geoffroy Guigou a procédé de la même façon chez Younited : chacune de ses 5 valeurs correspond à un outil, et doit s’incarner tous les ans dans un projet de l’entreprise, des citations de clients et de collaborateurs, dans le livret qui formalise les valeurs. « Car si on ne peut pas trouver ça chaque année, cela signifie que la valeur n’est pas incarnée ».

Chez AB Tasty, raconte Alix de Sagazan, les salariés utilisent une monnaie virtuelle pour s’envoyer des messages de remerciement ou de félicitations. Avec cette monnaie, ils peuvent s’offrir des produits en lien avec les valeurs de l’entreprise : un petit déjeuner en équipe pour la valeur « team spirit », un don pour une association pour la valeur « bienveillance »…

Tout cela n’est pas seulement « gentil » : cela entraîne une plus grande implication, une meilleure ambiance, une productivité accrue, une aide à la décision… avec de vraies conséquences sur l’activité.

Des valeurs pour tous ?

Est-ce que toutes les valeurs d’une entreprise sont faites pour chacun de ses collaborateurs et collaboratrices ? Dans des équipes souvent très hétéroclites par leurs métiers et leurs profils, comment définir des valeurs assez générales pour s’adresser à tous et assez spécifiques pour que chacun s’y retrouve ? 

L’essentiel est que chacun ou chacune puisse y trouver une résonance, une matière qu’il ou elle puisse s’approprier. « Dans les faits, les valeurs sont vécues différemment selon les profils et les métiers, mais elles sont cohérentes avec tout le monde, » résume Geoffroy. 

Taille et localisation de l’entreprise, les deux déclencheurs

Les avis divergent sur le bon moment pour définir ses valeurs. Pour Jérémy Clédat, de Welcome to the Jungle, son projet d’entrepreneur s’est tout simplement bâti sur les valeurs qu’il souhaitait mettre en œuvre. 

Pour d’autres, l’entreprise doit avoir atteint un certain degré de maturité pour voir émerger les valeurs qui correspondent à son ADN. Le seuil psychologique dépend en fait du ressenti. Gregory Pascal (Extrême Sensio et SensioLabs), estime qu’il se situe à 10-15 personnes, soit « dès qu’il y a des strates intermédiaires de management et qu’on est trop nombreux pour que l’info circule naturellement. » 
Le deuxième critère est celui de la localisation : il y a quelques années, le passage à l’international servait souvent de déclencheur ; aujourd’hui le télétravail l’a rendu indispensable. La définition des valeurs devient un impératif absolu dès que les équipes sont éparpillées et que les recrutements se font localement, donc dès que l’entreprise devient multi-sites et multi-culturelle, pour garantir l’alignement des décisions et des actions avec la vision de l’entreprise.

Le point de départ : la conviction des fondateurs

Les valeurs ne traduisent l’ADN de l’entreprise que si les fondateurs croient en leur importance. C’est donc à eux d’initier le projet. « Il faut croire aux vertus des soft skills, de la communication interne, du management » témoigne Geoffroy.

La conviction des fondateurs est d’autant plus importante que le process, long et exigeant, prend 3 à 6 mois minimum, et exige une implication importante de leur part. C’est un projet stratégique à part entière, au même titre qu’une nouvelle implantation à l’international.

Si le ou les fondateurs sont à l’origine du projet, ce n’est pas pour autant un travail en solitaire. Sur ce sujet complexe, qui doit conjuguer l’humain et le business, « le dialogue et le partage avec les autres entrepreneurs sont fondamentaux » insiste Jonathan. 

Un process collaboratif

Le process de définition des valeurs se fait en plusieurs étapes, qui mixent des approches top-down et bottom-up : 

  1. Définition de valeurs par les fondateurs
  2. Explication aux équipes du projet pour les embarquer et en faire comprendre l’importance stratégique
  3. Travail avec les équipes pour challenger ce premier choix, sous forme de questionnaire ou de séminaire selon la taille de l’entreprise.
  4. Analyse du retour et amendement du projet initial, formalisation 
  5. Création des outils et process associés 
  6. Communication des valeurs en interne et en externe

L’approche top-down, aux débuts du process, montre aux équipes l’importance stratégique du projet et permet de leur proposer des valeurs fidèles à la vision des fondateurs. L’implication des collaborateurs, dans un deuxième temps, les amène à s’approprier les valeurs en les adaptant. Enfin la diffusion par les fondateurs finalise le processus en rendant les valeurs visibles. Un travail hyper-collaboratif donc, qui procède par itérations.
C’est, aussi, un process très interne : des valeurs définies par un consultant externe n’auraient pas de crédibilité sur le terrain. Sauf si celui-ci reste dans les limites d’un rôle d’« accoucheur ». Car la matière brute est le cœur de l’entreprise, et il faut l’avoir vécue pour aboutir à des valeurs cohérentes et appropriables par tous.

La formalisation et la diffusion, aboutissements du process

La formalisation des valeurs – le wording, le design – est primordiale pour favoriser leur appropriation par les équipes. Ainsi, les 10 valeurs de BlaBlaCar sont des formules dont la musicalité très étudiée les inscrit très facilement en mémoire. Quant à leur design, il reprend les codes couleurs de l’entreprise. C’est par ce mélange redoutablement efficace du fond et de la forme que ces 10 valeurs sont devenues la signature de BlaBlaCar. 

D’autant qu’elles sont largement diffusées : affichées dans les bureaux, déclinées en stickers, rappelées dans les événements de l’entreprise… Une omniprésence qui remplit une fonction essentielle : ne pas rester dans l’implicite ! « Il faut exprimer les choses pour qu’il n’y ait pas de risque qu’elles se délitent. » résume Gregory Pascal.

Dans cette logique, Geoffroy Guigou a fait traduire les valeurs de Younited dans la langue de chaque pays d’implantation. Non seulement parce que tous les nouveaux collaborateurs ne parlaient pas l’anglais, mais aussi pour favoriser, encore une fois, l’appropriation. Et éviter les malentendus…

Une matière vivante

Résultant d’un process lourd et traduisant l’identité de l’entreprise, les valeurs s’inscrivent dans la durée. Pour autant, elles doivent être interrogées régulièrement afin de vérifier qu’elles gardent sens et cohérence par rapport à l’évolution de l’entreprise, en particulier en phase de forte croissance. Une nouvelle valeur peut apporter une réponse à un problème inédit ou un besoin naissant. C’est une matière vivante, qui change avec l’entreprise et les collaborateurs pour rester fidèle à leur identité.

Socle identitaire de l’entreprise, les valeurs sont pourtant souvent négligées par les fondateurs et fondatrices de start-up : elles n’offrent à première vue pas de rentabilité immédiate. Pourtant, si leur ROI reste difficile à quantifier, elles ont des répercussions tangibles en matière de recrutement, d’intégration et de fidélisation et font la différence en matière d’implication, d’organisation, de compréhension et d’appropriation des règles et de la vision de l’entreprise… De productivité, en somme !

À ce titre, elles sont incontournables pour une entreprise qui prétend jouer un rôle de premier plan. C’est déjà criant aujourd’hui, alors que la pénurie de talents inverse le rapport de force entre employeurs et employés. Ça le sera encore davantage demain : alors qu’en 2025, la Gen Z constituera 27% de la force de travail, 40% des Gen Z et Millenials ont refusé un job qui n’était pas en accord avec leurs valeurs selon le « Gen Z and Millenial Survey » réalisé par Deloitte en 2022 sur plus de 23 000 jeunes de 46 pays…

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